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29 juillet 2008

Tu écris toujours ?

maglivreonze.JPEGConseils aux écrivains attirés par la lumière

Méfiez-vous de votre vocation poétique, n'essayez pas de rattraper un TGV en voiture et faites livrer vos Havanes à domicile...

(La suite dans le Magazine des livres n°11 qui vient de sortir en kiosques).
Extrait de Tu écris toujours ? (feuilleton d'un écrivain de campagne), inédit.

14 juillet 2008

Pourquoi Mhorn s'appelle-t-il Preben ?

Pourquoi Mhorn s'appelle-t-il Preben ? Parce que sa mère, venue du Nord, habite désormais sur le flanc d'une montagne du Sud-Est, du côté des forêts d'épicéas où craquent volontiers les orages d'été.

Un de ces jours de canicule, la mère de Preben Mhorn, dans les derniers mois de sa grossesse, avance péniblement dans le parc public de la petite cité industrielle. Elle finit par s'asseoir sur un banc, au bord de l'étang, et elle regarde l'eau aussi lisse et opaque que le ciel vert-de-grisé. Pas une feuille ne bouge dans les grands frênes autour de l'étang.

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Un parc dans une ville déserte, un été de plomb, un banc au bord d'une flaque d'eau huileuse et ce gros ventre si lourd à transporter, ainsi s'écoulent ses journées. La voilà qui somnole dans la chaleur. Un gros poisson de vase a effleuré la surface du plan d'eau. La mère de Preben sent ses yeux se fermer sur les cercles qui trahissent la présence de l'animal.

L'étang devient un fjord et les forêts, plus sombres, se rafraîchissent sous le ciel bien lavé du Grand Nord. Et voici que la jeune femme rêve à son pays, au Septentrion... Quel voyage ! Elle voyage beaucoup... Dans sa tête. Et lorsqu'elle se retrouve à la maternité, en salle de travail, avec son ventre secoué comme la mer dans une terrible tempête, la canicule est toujours là.

Tout est trempé, il y a de l'eau partout, mais de l'eau tiède et rien que de l'air chaud à respirer. La jeune femme dévale un torrent puis un fleuve en crue. Un enfer de bouillonnements et de gargouillis. Un fleuve fangeux, le fleuve des Enfers, le Styx, l'Achéron ou le Cocyte. À moins que ce ne soit le Phlégéton et son flot de flammes. Alors, lui revient en mémoire l'arrêt devant l'étang. Dans sa descente des eaux en furie, elle agrippe les nageoires du poisson de vase et elle l'enfourche. Le poisson saute d'un gigantesque bon et projette partout de l'écume boueuse. Il retombe au milieu d'un cercle qui se répercute à l'infini à la surface paisible d'un fjord bordé de fraîches et sombres forêts. Le Nord ! Le Septentrion ! Un enfant d'une grande beauté sort de l'eau du fjord. Un enfant avec un prénom du Nord : Preben.
- Et comment l'appelons-nous ce beau garçon ? demande la sage-femme.
- Preben. Il s'appelle Preben, répond la jeune femme dans un souffle.
Et voilà pourquoi l'enseigne de vaisseau Mhorn s'appelle Preben. À cause de la canicule dans les montagnes orageuses et du poisson de vase.

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Editinter, 2002. Épuisé)
Photo MCC

02 juin 2008

Le vol nuptial de la pipistrelle

1182671400.jpgQuel dommage de n’avoir pas consacré ta vie à l’étude du vol nuptial de la pipistrelle

Mais comme te l’a souvent fait remarquer ton père tu n’as aucune patience il aurait fallu suivre en sciences naturelles et même en arithmétique seulement voilà

Tu tournais la tête vers la fenêtre avec vue sur le clocher même le glas une bonne partie de la matinée te semblait aimable comparé aux heures d’école

Ce soir de feuillage tendre les pipistrelles volent par deux parfois une troisième les poursuit

D’habitude la pipistrelle sort seule vole mange et se fiche pas mal du reste

Tu aurais pu décréter rien d’autre ne compte que le vol nuptial de la pipistrelle et je me fiche du reste tu serais devenu un spécialiste tes parents seraient fiers de toi tu ne serais pas un songe-creux

Comme tout est compréhensible ce soir

Si proche le monde des toits

Si nettes les vaguelettes des tuiles les cheminées sur fond de ciel mauve où gribouille comme sur une ardoise magique l’amoureuse pipistrelle

L’amoureuse pipistrelle bouche d’ombre de la non moins amoureuse phalène


© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.